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chantier naturiste dans l'hérault

3 avril 2013

orthodontiste

La ruine de l’estagnol est une carie sur une dentition minérale, elle a l’odeur d’une bouche qui l’accueille, et son abcès va durer longtemps. C’est à peu près tout ce que je peux en dire pour l’instant, car le mal de dent le dispute avec le mal au ventre. Quelquefois je me pose, après la journée de travail, la question de son utilité, je n’entrevois aucune réponse. Je pourrais ajouter et c'est une précision importante que c’est aussi une dépense inutile. Du corps. Et en second lieu de l’esprit. Un homme avec lequel j’entrepris une franche et longue discussion sur son activité d’observation des oiseaux implantés sur le site, me délia la langue à tel point que je lui fis part de mes observations sur nos compatriotes armés de bâtons et de chaussures de marche qui viennent le mardi –jour d’observation, passer devant le hameau, s’arrêter quelques instants et repartir à l’ascension du roc de la vigne. Nous convenions que la plupart sont de jeunes retraités, plutôt bien équipés pour la marche, sac à dos et bâton, coupe-vent et chaussures ad-hoc, puis en cette saison du printemps qui s’ouvre, des familles, des solitaires, de jeunes couples et enfin des sportifs. La plupart d’entre eux semblent ravis d’être arrivés à bon port, et manifestent leur contentement par des encouragements sincères et contagieux. Quoi de plus naturel en effet de s’apercevoir qu’on s’occupe de ruines. Quelquefois je pense que je n’irai jamais à Nuremberg, à Dresde, à Hiroshima, ou à Tokio, pour prendre des destinations lointaines, bâties, détruites et rebâties. Que je ne connaitrai pas d’autres pays ou contrées où j’aurais souhaité me déplacer, comme on déplace une malle dans un voyage. Que je ne rencontrerai pas les personnes dans leur propre désert, alors qu’ils œuvrent laborieusement à la création ou à l’avancée du désert tout autour de leur lieu d’habitation. Nous nous tenions debout à la lumière, et nous cherchions la porte de sortie du monde. C’est à peu près tout ce que je puis observer du plancher de la troisième pièce, à ciel ouvert, plate-forme ou planches de théâtre qui ouvrent devant soi la salle de spectacle, le rideau levé, tels le roc de la vigne, la draille, les murets, les chênes, mêlant les verts excitants et le bleu du ciel. Mettre un toit est une privation insurmontable, une aberration, une absurdité mais peut-être un mal nécessaire. Mettre un toit c’est comme couvrir d’un manteau épais la nature qui est là, un manteau de mendiant, rapiécé, miteux et puant. Il s’agirait de le dévêtir. Nous aussi.

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12 février 2013

Prodiges et paroles

Des six poutres que j’emmenais jusqu’au ciel, alors que la lune clignait de la paupière, par un vent à décorner un bœuf, aucune ne fut perdue sur le chemin de croix, chaotique, serpentin, et dodeliné. La carriole cracha sa cargaison au frein à main. Trois le matin, trois l’après-midi, je portais ma croix, exténué, recroquevillé, abruti. Par six fois. Y a-t-il vraiment une raison à cela pour agir de la sorte à malmener son corps ? Je crois que oui. Il est vrai que j’aurais pu opter pour une transformation radicale des poutres en pieux, -mais l’impression que me donnait ce spectacle m’éloigna de cette éventualité, ou bien j’étais ce cadavre ambulant qu’on allait par un funeste transport empaler. Je disais donc qu’avant d’être fatigué de soi-même, avare en considérations, et répétitif, il s’agit de fatiguer son corps. Et je deviens cet être misérable à m’accabler ainsi, sans mesure aucune, à plaisir de poursuivre cette corvée qui n’en finit pas. Pour sûr, je voudrais réaliser des prodiges, ou à défaut inventer des machines facilitatrices -(je ne répète déjà plus que des gestes anciens, archaïques, désuets, tel ce mardi quand je lovais autour de mon bras un bel empilement  de parefeuilles en morceaux)- comme une brouette électrique, ou un engin de levage (pas d’inquiétude c’est au programme, une de ces machines qu’a dessinée léonard de Vinci sur ses cahiers). Je me prenais à rêver de prodiges à usure de mes épaules et de mes chaussettes.  A rêver, ça ne mange pas de pain. Bon. Je remarquais que ces rendez-vous du mardi ne m’avaient pas délié la langue, je ne me parle pas. C’est inaccoutumé. Et comme d’habitude, je peux me plaindre d’être privé de la parole, et de prodiges. Comme d’habitude, je suis dans la dépense, et la prodigalité. Bien à vous.

7 février 2013

sources anciennes et détours

Le village de l’Estagnol ou lieu dit l’Ecart fut mentionné au XIème siècle dans le cartulaire de Gellone. De source orale, et indiqué dans plusieurs guides, ce village fut abandonné entre les deux guerres. L’état général de la bâtisse et de ses dépendances prouve s’il en est que l’abandon ne date pas d’hier. Certaines associations ou personnes privées sont intervenues pour ralentir et contrarier cette lente agonie. Non loin du plateau, à quinze minutes à pied, le mas de l’Arboussier (de l’occitan arbocièr, lieu planté d’arbousiers) semble figé et dénudé. Il n’est pas unique en son genre. On comprend rapidement que cette campagne ou ce pays s’est peu à peu vidé de sa population, délaissant l’agropastoralisme et l’inconfort de ces contrées. Le mas d’Agre (altitude 505 mètres, du latin ager, « champ cultivé »), le mas de Portalon (de l’occitan portal, portail), deux ou trois sites encore à découvrir témoignent de ce délaissement. L’architecture sobre, digne et hiératique  des bâtiments de l’Estagnol (du latin stagnum et iolum, mare ou pièce d’eau, de l’occitan estanhol) est caussenarde. Les pièces sont sombres, les branches sur lesquelles on a coulé du mortier recouvert de tuiles canales sont noircies (au feu ?), les ouvertures sont basses, les fenêtres rares, des citernes qui recueillent l’eau de pluie sont assoiffées,  des caves voutées, un four à pain s’appuyant sur un arc superbe en pierre reste en suspend, un second dont l’âtre est effondré, deux cadrans solaires dont un s’est éteint, une aire dallée servant au battage des céréales, des escaliers en pierre, une fenêtre à meneaux, des sols dallés de pierres plates. Une bergerie. Des pièces sans toit. L’eau qui s’infiltre fragilise l’ensemble. La dernière catastrophe (l’effondrement d’un toit) a eu lieu fin juillet-début août 2012. Les tuiles se sont brisées en grande partie, en s’enchevêtrant dans leur chute avec les branches plus épaisses que celles qu’on utilise traditionnellement dans une charpente caussenarde. Cette construction se déclinait avec une poutre centrale ou traversante sur la longueur de la pièce et recueillant de part et d’autre dans le sens de la pente des branches d’une longueur de 1,70 à 1,80 mètres. Les tuiles courant couvert étaient ajustées directement sur un lit de mortier blanc. Voici pour la partie visible, immédiate et non exhaustive du site. Les apparitions sont plus modestes, enfantines et parfois capricieuses ; elles se révèlent par malice, par inadvertance ou par erreur. Mais qu’ont-elles à dire à des aveugles qui se taisent ? Nous passerons et penserons à une autre génération.

Pour venir jusqu’à ce lieu, arrivant du sud, vous avez quatre possibilités clairement établies :

la première, au départ de st Guilhem le désert, emprunte la chaussée du géant ou GR74 vers l’ermitage de Notre-Dame du lieu plaisant, sans oublier de bifurquer à droite en direction de la baume de l’Olivier, en traversant la pinède de la Combe Fournen, et en passant sur le sentier qui court le long du cirque de la Balaïssade (vallée des houes). Cette option de promenade est la plus longue mais peut-être la plus enchanteresse.

La deuxième emprunte le chemin au départ du 1er barrage construit sur l’Hérault à la fin du 19ème siècle, qui alimente le canal de Gignac, à la sortie du village de st Guilhem, sur la D4. Ce chemin s’engage dans la combe de Malafosse, puis celle de Légeaux, menant au mas de l’arbousier.

La troisième commence toujours du barrage, en suivant la direction du Causse de la selle, par un petit sentier caladé, le long de la combe de la Bugadière (de l’occitan bugadiera, liseron des haies). Cette troisième option est la plus courte (30 à 40 minutes), à l’ombre en milieu d’après-midi. Malheureusement quelques murets se sont écroulés, rendant le parcours par endroits plus « caillouteux ».

Le quatrième chemin emprunte la combe du Buis, puis délaissant la combe de la Galinière, s’engage dans la combe de Valbonne jusqu’à la croix scellée au départ de la draille, du hameau de l’Estagnol, à la croisée des chemins. Cette croix fut érigée en l’honneur de Notre-Dame en remerciement de sa protection contre la maladie (peste ?), famine ? Ce que je sais, c’est que le jour où la procession partit du village, l’orage et la grêle accueillirent les processionnaires. Cette dernière option (par le sud) offre un joli exemple de cheminées minérales, calcaires, dressées dans le ciel comme des cierges blancs, puis dans sa montée vers le plateau, laisse apparaitre une vue insaisissable des alentours, dans une lumière douce, caressante et bienveillante.

2 février 2013

poisson soluble

Décembre 2012 : « Je ruine en moi tout ce qui s’oppose à la ruine ». La bibliographie sur Georges Bataille accompagne le chantier au rythme de quelques pages par jour, et me décide d’ouvrir un autre chantier d’écriture ou de scribouillage, de quelques histoires ou autres nouvelles qui viennent surprendre mes oreilles. J’entends par des connaissances du village des histoires ubuesques, étonnantes et anachroniques, telles que leur apparition semble détonner dans le paysage calme, serein, et rapiécé. Ces coutures humaines semblent recousues pièce par pièce, comme un patchwork sans patron, à la fantaisie du conteur semblable à celle de l’auditeur qui écoute avec la plus grande attention, sans savoir s’il y faut une pincée de vérité ou de naïveté confondantes. Je ne suis pas dupe des méandres, des thalwegs, des contours byzantins qui parsèment les récits qui échoient comme le sac du voyageur, qu’il soit pèlerin de st jacques de Compostelle ou imposteur malgré lui. Eve commença la soirée par quelques brèves qui éveilla ma curiosité, à commencer par celle du faux prêtre italo-grec sans souliers qui tel un pousse-cailloux, arriva exténué et vaguement ébaubi, au terme de son parcours, les pieds en sang, sans désirs, sans manières, devant ce qui serait aimable d’appeler un terminus mystique. Eve lui offrit une paire de souliers, qu’un second couteau lui avait laissée ou qu’elle alla dénicher chez une adresse de ses nombreuses connaissance, sans autre forme de récompense. La mystique passe par les pieds, dira son hôte, mais la passion l’emportera plus loin, comme une couture surjetée. Eve poursuivit son récit en évoquant la venue de la paraplégique autrichienne, qui sonne étrangement comme une redondance mimétique à un passage de la bible –le handicap forme des légions désarmantes auxquelles il faut prêter assistance et réconfort, diriez-vous : « vous ne passerez pas la porte avec votre fauteuil roulant » ne tomba pas dans l’oreille d’une sourde qui ne manqua de rétorquer : « ne vous inquiétez pas ma sœur, j’ai l’habitude de ramper pour entrer dans une maison ». A Fatima où l’on voit ces femmes marchaient sur les genoux, à ces chiennes lubriques qui attendent l’offrande honteuse et jouissive, à ces mendiants qui s’agenouillent pour quémander deux sous, ramper augure mal de l’élévation tant attendue. Son séjour fut un supplice autant pour elle que pour ses coreligionnaires, qui une fois encore exprimèrent un plat d’impuissance et un front de mansuétude. D’après Eve. Ce titre me plait. Comme la première femme. Ainsi, tel que je vous le livre et dans un tourbillon de mots, qui vit chavirer ce village sourd au trou siffleur, je reçus après notre deuxième rencontre un lot ininterrompu d’histoires du pays,-quelles richesses a donc l’enracinement dans ce pays de cailloux et d’épineux ?-. Je pense ce mois-ci que la reconstruction des cinq pièces est un préambule à la prise de corps de l’ensemble des bâtiments. Une prise de corps me semble approprier. Prendre possession des lieux un leurre. Créer un espace libertaire. Déconstruire l’utopie qui marque à la culotte -mais qu’est ce que l’utopie aujourd’hui ?-. Tout seul ! Je vais passer pour un fou. Je pense surtout que le chemin est semé d’embuches, d’imprévus et d’obstacles ; à ma requête de connaitre mon voisin, gilles répondit qu’il était introuvable…enfin que je ne le trouverai pas. Est-il au caveau ou à la cave ? Dans tous les cas, le maire de st Jean de Fos ne le connaissait pas… Le dernier jour de l’année, j’ai retroussé les manches. Avec la pelle, le tamis et la brouette. Le chantier avance. Je suis convié au rendez-vous du mercredi 10 janvier 2013 devant le notaire pour la vente définitive. Quand j’ai dit à mon père que la troisième pièce serait prête pour cet été, il s’est mis à rire. J’aime faire rire mon père. Son rire est la raison de ce monde. Après tout, n’a-t-il pas tort, n’est-ce pas une petite plaisanterie dont on va s’amuser quelques temps…

25 janvier 2013

la vigne du roc

"L'arbre couché par le vent avait plus de branches que de racines." Monte Verita. Le vent du nord n’avait pas couché les trois oliviers, plantés il y a une semaine dans le jardinet. J’ai composé avec les outils du bord, en poursuivant les travaux de décaissage de la dernière partie, le rez-de-chaussée de la troisième pièce. Six seaux font une brouette, douze brouettes font une carriole, qui part vers 17h00 à la déchetterie. Je n’ai pas sondé le sol du potager qu’utilisait le berger pour cultiver quelques légumes. Je n’en ai pas eu le temps. Cependant, d’un seul coup d’œil rapide, je me suis avisé de l’état dans lequel se trouve cette parcelle. Il y reste un plant de vigne -qui a donné son nom au roc-, desséché. c'est l'unique témoin du moment. Le terrain n’est pas envahi par les mauvaises herbes. ça et là poussent quelques genevriers cades. Je songe donc à le cultiver comme je l’ai fait pour le jardinet, et réaliser un alignement en deux rangées de plants de vigne, du raisin de table, blanc de préférence, ou bien  du cardinal, clin d’œil à la vigne du serre qui m’occupe au réveil de la terre. La palissade faite de fil de fer torsadé matérialise encore la frontière entre la chênaie et le potager. il dégueule de toutes parts. J’y mettrai bon ordre, non je ferais semblant de trouver un ordre naturel. C’est le journalier agricole qui parle ici. Bref, les premiers frimas blancs accrochés au versant des monts qui s’agrippent derrière le roc de la vigne fouettent mon désir de cultivateur, le froid picote mes joues, mais ce froid est supportable. l'hiver est clément. jusqu'à ce jour, j'ai hérité d'une amnistie générale, d'une retenue avant une probable rigueur hivernale. parfois je pense que cette aventure est un projet fou. Il y a la possibilité d’un ilot, de vivre hors de la cité, mais en dehors d’une conception aristotélicienne. Triste tropique...Aujourd'hui, personne n’est venu troubler mon travail. J’ai puisé de l’eau au puits, en faisant de la corde une ceinture autour de la taille, regroupant les deux jerricans et le seau si précieux. J’aime nouer cette corde autour de ma taille. en partant au puits, je remarquais que de la glace s’était formée sur le tranchant de la table qui attend son installation. Mardi 22 janvier, je serais absent. Je ne m’y rendrais pas mais j’utiliserai toujours une pelle et un tamis. Je suis à neuf mois de travaux et du jour de sa découverte, j’ai essuyé trois saisons ; j’ai hâte de découvrir le printemps qui me semble propice à tout.

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25 janvier 2013

le dernier homme

Le premier arbre, un olivier, a été planté dans le jardin de l’Estagnol. Pierre et Léopold m’ont aidé à cette tâche rugueuse, fastidieuse, grisante. De la terre issue du tamisage des gravats accumulés dans les pièces a servi d’appoint. Chaque semaine, je placerai donc sa ration d’eau à cet arbre, en attente de ses congénères, deux pour faire une trinité ou une triade. De l’eau puisée au puits avec un seau, une corde, et un jerrican, l’ensemble emmené avec une brouette le long du sentier qui conduit au lac, une lavogne, qui a donné son nom. De l’eau, le puits à proximité n’en manque pas. Le second mardi, j’ai croisé un homme marchant du barrage jusqu’aux Lavagnes, opérant le tour du roc de la vigne puis à la descente rejoignant la source de la chèvre ou du cabrier. Un groupe d’une vingtaine de personnes originaires du pays se sont arrêtés en présence de gilles et de son cousin. Il y a eu jusqu’à 23 personnes à l’Estagnol, et au 19ème siècle, 48. Sa grand-mère est née ici en 1907. Les grands-mères des deux hommes sont sœurs. J’ai opéré un jardin presque épuré, japonisant, modeste avec les deux autres oliviers adolescents. Tout le pays était calme, reposé et respirant. Pas de vent, un soleil lumineux, un air cristallin. Je suis arrivé tôt, je suis parti tard. Je regarde mes pieds en posant le véhicule, je lève la tête, le vert se mêle au bleu du ciel. A deux pas, empruntant la draille, la bergerie est depuis une belle endormie. Cette ruine est une montre arrêtée à qui il manque le remontoir. A 14h00, mercredi 9 janvier 2013, à l’étude de maitre Vinas, à Clermont l’Hérault, je deviens propriétaire et dépositaire de cette montre. Elle marque le temps qui vient de repartir. Mme Paulet est reparti par le même chemin qu’elle avait emprunté la première fois, le jour de notre rencontre administrative, perdue dans ses pensées qui allaient à son mari. Elle me tendit à l’étude une simple feuille 80g blanche et pliée en quatre, sur laquelle elle avait imprimé une photographie en noir et blanc, les représentant tous deux, l’un derrière l’autre devant cette ruine, à l’âge où naissent les projets, son mari tête nue,elle un chapeau de paille d’Italie sur la tête.aujourd'hui, la ruine est une marque de l’impuissance. Une maison sans toit décoiffée et hirsute, balayée par le vent du nord, est une ruine. C’est sa définition juridique que les hommes ont donnée dans un sens définitif. c'est ce qui s'écrit dans un bureau par le contentement civil. Tant de civilité pour contempler un désatre. Tant d'efforts pour en arriver là. Les ombres s'allongent, le soleil traine vers l'ouest, la montagne reprend ses droits. je redescends dans la vallée, noyée par les ombres.

22 janvier 2013

Présences au hameau

Parfois on se surprend à être tout seul. L’ancienne propriétaire disait que si  je ne voyais personne, quelqu’un savait néanmoins que j’étais là, qu’on me voyait, que je n’étais pas « seul au monde ». A chaque fois que je monte par la combe avec un moteur bruyant, ou à pied par le sentier, il est vrai qu’une sourde appréhension m’étreint à l’arrivée, au moment où je tourne les clefs pour couper le contact, ou lorsque je reprends mon souffle au pied de la croix. Le silence prévaut. Le hameau semble désert, et un rapide tour du site confirme l’absence de vie. On se plait à penser que du haut d’une terrasse ou sur le pas d’une porte, une personne s’affaire. Ces habitations restent absentes à elles-mêmes, et ressemblent plus à des coquilles vides. Elles pourraient avoir été transformées en abris ou refuges, mais personne n’y a songé. Je songe plus tard – et c’est une idée parmi tant d’autres-, offrir le thé ou le café aux promeneurs s’aventurant sur le plateau, après avoir entrepris le tour du roc de la vigne par le sentier qui passe d’une grotte à une autre, de La Baume à celle de l’Olivier, en direction de st Guilhem le désert. Un ermite ou un original, un anachorète -dirons certains, mais apprécié des villageois qui firent appel à sa force de travail- a vécu de nombreuses années dans cette grotte pas du tout aménagée, ou si peu ; un mur de grosses pierres barre le passage au vent et aux intrus ; en sortie, sur la gauche s’étagent des parterres emplis d’iris. Un texte, écrit par un journaliste local aidé de quelques amis, fait mention de son ancienne présence, vantant ses qualités de fin connaisseur de la nature et en particulier de la flore. Il avait l’habitude de dormir dans une cavité de petite dimension avec un peu de paille pour litière; une image de la Vierge et du Christ est encore posée contre une pierre lisse, une croix tracée à l’ocre rouge orne la cavité réduite à l’emplacement d’un seul corps. Une casserole recueille l’eau qui goutte du plafond, une poêle noircie, des cendres, un grill, du papier journal. Rien d’autre. C’est la misère et le dénuement.

19 janvier 2013

quelques éléments de mémoire

De l'histoire du lieu, je ne connais que peu de choses. Certes, les archives m'éclaireraient. Certains documents sont sans doute disponibles. Un historien m'a proposé son ouvrage (sur la commune et non spécifiquement sur le hameau). Un travail de collecte est à opérer, consistant à recueillir le témoignage des personnes qui pour les unes passent une fois en ces lieux, pour les autres vivent à proximité ou ayant entendu dire quelques histoires s'y rapportant. D'une part, les visiteurs du mardi sont quelques uns à m'avoir donné deux ou trois informations ; celles-ci sont trahies par une mémoire prompt à l'oubli, mais qui par répétition recoupent une réalité antérieure cohérente. Un berger vécut ici avec deux trois chèvres dans la montagne. Il utilisa un terrain dit "le potager" pour y cultiver ses plants. On retrouve sur la dite-parcelle un plant de vigne, et une cloture métallique ceinturant ce bout de terre exposée sud, en surplomb de la draille menant au puits. L'abandon date des premières années du XXI siècle. 2002 me semble une date qui correspond à l'état d'abandon qui prévaut en général. Cette année est inscrite (par deux fois?) sur le montant des parpaings qui bouchent l'entrée nord de la bergerie, et signe la fin d'une vie sédentaire au hameau. Le berger est-il toujours vivant ? je l'ignore. Ce que j'ignore aussi, c'est si ce pastoralisme était saisonnier, ou si l'on peut envisager une vie permanente, établie entre ces murs. Un tuyau, à présent sectionné, de couleur verte, fut ajouté à l'installation ancienne, au niveau de l'évier de la première pièce de la bergerie, un tuyau contemporain, utile à l'arrosage de quelques plants, sans doute encore utilisé pour le potager. Je mentionne ainsi une collectedisons ique et une circulation qui me parait complexe au niveau de l'habitat. Cette complexité est due en partie à un certain nombre de citernes qui pour une, deux ou trois d'entre elles, me semblent inaccessibles. La collecte d'eau de pluie s'effectue par les toits et par un système de chenaux faite en tuile canale. Cette eau est recueillie dans les citernes,qui ressemblent à de grandes baignoires, proches des bergeries, ou qui ressemblent à des caves que l'on aurait inondées. Ce système de stockage diffère de celui qui est utilisé dans un autre mas à quelques encablures du hameau principal (10 minutes à pied) où l'eau est acheminée par un guidage en tuiles implanté dans le sol (sorte de petit conduit à ciel ouvert ou recouvert de plates calcaires?) et se déversant dans une sorte de dolia, elle même déversant son trop-plein dans une lavogne. Cette complexité est plus nettement visible quand on s'amuse à compter le nombre d'ouverture (portes aujourd'hui condamnées) dans les murs, multipliant le nombre d'accés possible d'une pièce à une autre, d'un niveau à un autre. Ce véritable labyrinthe sur -à vrai dire un bati rammassé sur lui-même, - étonne, mais me conforte dans l'idée qu'une "grande fratrie" vivait ici. Une famille élargie. Des liens de parenté oeuvraient à la cohésion du groupe. Je ne me suis pas encore penché sur la question, qui ouvrait à présent un troisième front, après le chantier, et "sa publicité". Ce que j'appris aussi, c'est le départ des derniers occupants du lieu. Trois frères donnaient vie encore à ce lieu, après guerre (après 1945) -et ce (je pense), jusques dans les années [19]60. Trois campagnards, plutôt comiques, affublés d'un surnom, sans femme avérée, qui regagnèrent le village, et qui passaient son temps à s'apostropher ou à s'invectiver, faisant le régal des oreilles de leurs voisins. Des numéros de cirque. Une autre personne pourrait m'aider mais je crains qu'elle ne soit dans sa dernière demeure, au cimetière du village : le facteur. Il faisait sa tournée, tout en se laissant aller au prélèvement "natruel" ou braconage, en partant du village jusqu'aux Lavagnes, passant au hameau puis redescendant dans la vallée. Cette journée de marche dont on peut estimer sa longueur à quinze ou vingt kilomètres était ponctuée par quelques levées de gibier, pris au piège tendu par ce préposé aux postes. Cet homme si ma mémoire est bonne et d'après ce qu'on m'en dit, avait un surnom en occitan : "celui qui tombe souvent son pantalon", traduction longue d'un geste court, et d'une expression en langue d'oc imagée et synthétique, entendue chez mme le notaire. Avait-il la manie de souvent changer de braies ? Etait-ce du à sa fonction ? Avait-il d'autres charges qui l'amenait à endosser un autre costume ? S'était-il fait une réputation moins honnête de courreur de jupons ? Avait-il eu la malencontreuse indélicatesse de se retrouver un jour à la vue de quelques uns avec les bretelles en l'air, et le pantalon sur les chaussures ? Je l'ignore toujours. Certains mas ont été depuis fort longtemps abandonnés, ou détruits; je dis mas, je devrais parler de masure ou d'abris ou de petites bergeries ou constructions rudimentaires. Par contre, il parait probable que la bergerie ait servi jusques à la fin du XXème siècle. Cette occupation puis cette utilité tant géographique (lié à son éloignement du village et à sa position stratégique) que pastorale a préservé les lieux de l'érosion du temps et des éléments. Néanmoins, l'état général est déplorable; au milieu de l'été 2012, le toit d'une grande pièce attenante à la bergerie s'est écroulé, brisant les neuf dixièmes des tuiles, anéantissant en un bruit assourdissant un des derniers témoignages de la technique, employée sur ce "petit causse", ancestrale, archaïque, et accomodante (je m'entends sur le mot d'accomodation : la plupart des matériaux utilisés sont prélevés dans l'environnement le plus proche). C'est une architecture caussenarde. Une poutre centrale sur laquelle viennent s'appuyer des branches d'arbres taillées et rabotées, de la dimension d'un homme adulte, recouvertes de  chaux blanche, et nappées de tuiles canales ou "à la cuisse", courant-couvert. La bergerie conserve un bel exemple de tissage de branches cette fois épaisses comme le pouce, qui ressemblent à un canage de bois noir, brûlé sans doute, avec chaux et tuiles canale au dessus. Lorsqu'on lève la tête, il semblerait voir le dessous d'une chaise en paille. Le lieu est obscur. L'ensemble du bâti est en pitoyable état, et il faudra peu de temps pour que les toits, un à un, s'effondrent. Et une maison sans toit est une ruine...

Bien à vous françois

 

17 janvier 2013

invitation au désert

Des cailloux, des nuances de vert, le bleu du ciel, une eau douce et généreuse...peut-on paraitre si fou pour avoir commencé ce chantier seul et ainsi contrarier l'inéluctable, la ruine rampante qui guette chaque pierre, chaque édifice, chaque construction ? Le fruit du hasard m'a donné la chance si improbable de se trouver nez à nez avec ce que j'oserai parler d'"apparition"; à première vue, on se frotte les yeux, et puis on se laisse envahir par un sentiment de joie, c'"est donc bien ici que commence l'aventure. je pourrais la comparer à un ilôt, une brève parenthèse,tel le souvenir fugace d'une apparition. et puis non, y retournant chaque mardi, à la morte saison, le lieu se rappelle à notre bon souvenir. il est entêtant, devient obsessionnel. j'étais étonné ces jours-ci, d'entendre parler les patients (je travaille dans un centre de soins) d'écouter avec attention leur obsession, et chauqe phrase était un ressassement de leurs pensées, attachées à leurs personnes comme le boulet au condamné aux galères. c'est une perdition dont on n'a pas conscience. je voudrais interroger le hasard, je voudrais interroger la ruine, je voudrais interroger l'apparition. qu'est-ce qui m'appaait ? en quoi l'apparition modifie-t-elle mon appréciation du réel ? pourquoi être passé si près du lieu mais n'en être pas attiré ? et ainsi établi à ce jour, m'apparait plus cruciale la méconnaissance des alentours, plus cruelle celle des chemins qui vagabondent sur le plateau, plus inégale l'ignorane des ermitages, des croisements, des formes et des couleurs qui peuplent ce territoire. c'est qu'il ne m'a pas été donné à voir ou dit autrement c'est ce qui se dérobe sans cesse sous mes yeux, augmentant ma réalité en ce lieu.  Distrait oui, rêveur sans doute, absorbé je crois, mais l'attention est vive, l'alerte certaine, l'éveil vif.

j'ai depuis peu proposé à de nombreuses personnes naturistes de participer au chantier...j'observe à quel point j'ouvre un second chantier, plus délicat et combien rugueux, à tel point que j'ouvre un second front. une seconde obstination à une réalité encore désincarnée. j'ai et je garde bon espoir.

Bien à vous françois.

 

17 janvier 2013

Entre ciel et terre

"l'arbre couché par le vent avait plus de branches que de racines"...ce sont par ces quelques mots qu'on entre dans l'esprit du lieu, celui de Monte Verita. je voudrais également que cela soit le cas pour cette aventure. A première vue, lors d'un premier déplacement dans la montagne (la marche est un de mes privilèges favoris), je pris soin d'être émerveillé par ce qui m'entourait, comme toute chose venant à moi, connue mais qui se révélait pour la première fois comme étrangère et presque ingénue. la carte indiquait un sentier escarpé, caladé à son commencement mais qui peu à peu perdait de sa modernité pour s'enfoncer dans l'archaisme, le boiteux, le bancal et l'humide. la beauté des paysages ne se dévoilait quand au détour d'un virage, je me retournais ou je m'arrêtais pour regarder en arrière si l'ombre sculptait la combe en une sculpture en marbre veiné de vert, de brun et d'oxyde de fer. le sentier semblait s'adapter aux pas du marcheur tant il cherche son souffle à l'avant de lui, et considère qu'on lui enlevait tout espoir de le retrouver. il faut une demi-heure, dont dix de plat accalmi pour se rassénérer, et découvrir tapis dans son écrin minéral, et touffu de chênaie, qu'un hameau désert s'annonce, sans crier gare, aux yeux du bipède. on pense être arriver dans une oasis, on pense déranger une tranquilité séculmaire, on s'attend de voir immerger les rires d'un enfant, le bruit d'un outil  dans un atelier de campagne, le glapissement d'un chien, rien...le vant s'engouffre à la cime des arbres et ne parle pas. il n'a pas encore déraciné ces arbres, poteaux droits d'infortune et d'exécution. la bergerie communale se dresse comme un derrière, tourné sur le devant du roc. j'appris plus tard que ce bâti était immanquable mais qu'il était inutile de s'y référer, au point que de nombreuses personnes viennent s'y perdre encore de nos jours. seul, à deux ou en groupe, selon les jours et les saisons. des vététistes fous, des habitués de la ronde, des passionnés du coin, des retraités ou des touristes...bref chaque mardi offre son lot de surprises, et où il me plait de donner quelques indications précieuses sur le site. le mot d'ordre est courage, mais je n'en manque point...débroussaillage, déblayage, retour aux origines mais surtout en faisant de la sorte je fais et refais les gestes maintes fois déclinés. A ce corps de batiment (la bergerie) s'adossent des pièces contigus, refuge pour les chasseurs en automne et en hiver, pour la partie ouest, refuge d'un fou, d'un huluberlu devant le soleil levant. le chantier avance, l'installation migre, le désordre s'organise vaille que vaille. une seule promesse pour cet été...

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